Participation de l’Ambassadeur Eric de LA MOUSSAYE à un atelier consacré aux opportunités offertes aux opérateurs français et antillais

Le 20 avril, l’Ambassadeur de France auprès des Etats membres de l’OECO et de la Barbade, Eric de LA MOUSSAYE, a participé en Martinique à un atelier organisé par Business France en coopération avec la chambre de commerce d’industrie de Martinique et consacré aux opportunités offertes aux opérateurs français, et notamment antillais, par les appels d’offres internationaux. Il y a prononcé une intervention sur les besoins et les perspectives offertes en matière de marchés publics à des entreprises françaises en cas de crise.

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L’Ambassadeur Eric de LA MOUSSAYE en plein discussion avec quelques entrepreneurs français.

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Discours de l’Ambassadeur :

Madame l’ambassadeur déléguée à la Coopération régionale,

Madame la représentante de business France,

Monsieur le directeur général de la chambre de commerce et d’industrie de la Martinique,

Monsieur le directeur de l’état-major interzone de sécurité civile,

Mesdames et messieurs,

Vous avez bien voulu m’inviter afin de faire un point sur les besoins et les perspectives offertes en matière de marchés publics à des entreprises françaises en cas de crise. Sur le moment, la commande m’a quelque peu amusé, car il se trouve que juste avant ce poste d’ambassadeur à Castries, j’étais chef du service des achats du ministère français des affaires étrangères pendant 2 ans et avais eu l‘opportunité d’éprouver une nouvelle dynamique tendant à optimiser la commande publique. Je connais donc un peu le sujet.

Mais aujourd’hui, ce qui nous occupe a trait aux situations de crise dans un contexte lié, notamment, à la fragilisation dont font l’objet les petites îles en raison du dérèglement climatique.

Je vais donc vous délivrer mon analyse en la matière (1) – puisque c’est la commande précise qui m’a été passée – mais je saisirai l’occasion, car je crois que ce n’est pas inintéressant, pour vous donner mon sentiment, une note d’ambiance, sur le paysage économique tel qu’il se présente, pour les entreprises françaises désireuses de s’implanter dans les Caraïbes orientales (2).

I/ Point de situation sur les marchés publics en cas de crise/post crise
Comment répondre aux besoins générés par les situations de crise dans la caraïbe Comment saisir les opportunités ?

Proposer un service ou fournir du matériel à la suite d’une catastrophe naturelle requiert une bonne connaissance des intervenants publics et de leurs modes opératoires. Les réponses aux évènements sismiques ou climatiques majeurs comportent des phases et les positionnements possibles pour les entreprises sont fonction de ces phases.

- Phase 1 (Réaction immédiate et secours de première urgence) :

Des organismes comme la Carribean Disaster Emergency Managment (CDMA) lié à la CARICOM ou l’Etat-Major Interministériel de Zone Antille (EMIZA) pour la France, qui viennent d’ailleurs de conclure ensemble un accord cadre sont ici en première ligne. Ils s’efforcent de dresser un état des lieux et de porter les premiers secours d’urgence (évacuations par hélicoptère, dé ensevelissements…). Ils interviennent à la demande ou en accord avec les autorités locales, et si c’est à l’étranger, après accord de l’ambassade de France auprès du pays concerné. Ils agissent sur la base de leurs ressources propres (sur ordre du préfet de zone pour l’EMIZA) ou de celles qui leur sont allouées par les Etats subissant la catastrophe ou un partenaire (qui peut être la France/MAEDI en l’occurrence).
Les entreprises n’ont pas lieu d’intervenir à ce stade. En revanche, il peut être intéressant pour des entreprises spécialisées (matériel médical adapté aux situations d’urgence, tentes, rations alimentaires, dépolluant pour l’eau, etc.) d’approcher, hors des phases de crise, la CEDEMA ou l’EMIZA, pour les interroger sur la manière dont ils s’approvisionnent en matériel.

- Phase 2 (secours d’urgence) : Ici les intervenants changent. On distingue deux types d’initiatives :

Les initiatives des ONG spécialisées, au premier rang desquelles les sections nationales de la Croix Rouge et les organisations médicales (Médecins Sans Frontière, MDM ou AMI par exemple). Là encore, le moment de l’urgence n’est pas propice à une approche par les entreprises. En revanche, les procédures d’acquisition de matériel ou de support logistique diffèrent selon les organisations. Certaines centralisent les démarches au sein de leur siège ; d’autres disposent de hubs régionaux. Certaines passent des appels d’offre, d’autres privilégient le gré à gré.

Les initiatives des Etats et des collectivités qui elles-mêmes se subdivisent en deux champs : le recours aux ONGs auxquelles elles peuvent apporter un soutien financier et la mobilisation directe de leur population concrétisée par des dons (en espèces ou en nature). Les services complémentaires requis auprès du secteur privé sont en l’occurrence souvent logistiques. Fournir ou acheminer des containers, faciliter les transports, établir une base logistique. De même, la location/prêt de matériel lourd dont les administrations ne disposent pas s’impose souvent (engins de terrassement notamment).

On notera ici que les marchés d’urgence sont rarement favorables en terme de profits financiers immédiats. Le contexte moral ne s’y prête pas dans la mesure où les contrats s’inscrivent généralement dans un contexte d’accompagnement de dons et de bénévolat. Une part de mécénat ou à tout le moins une marge nulle ou réduite au minimum constituent la règle. Les avantages sont d’une autre nature. Une intervention à ce stade permet de promouvoir l’image de l’entreprise qui y participe. Elle lui permet également un positionnement sur les phases avales plus lucratives et, d’une manière générale, elle lui donne un possible accès durable au marché du pays dans lequel elle intervient.

- Phase 3 (reconstruction)

Le financement de la phase de reconstruction nécessite une mobilisation de l’aide internationale. Elle se cristalise généralement par des réunions de donateurs qui sont très médiatisées, mais pour les entreprises le travail d’approche doit avoir commencé en amont. Schématiquement, les donateurs peuvent être divisés en deux catégories :

Les donateurs qui lient leur intervention à leurs capacités nationales. L’aide peut être massive mais elle est presque toujours engagée par le truchement d’opérateurs attachés au pays donateur. Ainsi le Venezuela et, surtout, la Chine mobilisent leurs propres capacités (unités de génie de l’armée, entreprises publiques et privées nationales). Dans une certaine mesure, d’autres pays comme les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou l’Allemagne, même si ils s’en défendent, s’efforcent également de répondre aux besoins en invitant leurs agences spécialisées (USAID, DFID ou GIZ) à avoir recours à des opérateurs américains, anglais ou allemands. Des besoins complémentaires peuvent néanmoins être exprimés et il paraît très utile que les entreprises antillaises intéressées se rapprochent des agences pour bien comprendre les règles qu’elles fixent pour leurs appels d’offre.

Les donateurs qui procèdent à des appels d’offre ouverts. Il s’agit essentiellement de l’Union Européenne (à laquelle la France a pour l’essentiel délégué ses moyens) et des grandes agences liées à l’ONU. Parmi ces dernières, on citera surtout, pour l’aide à la reconstruction, la Banque Mondiale et le PNUD dont il convient à mon avis de se rapprocher en amont pour pouvoir se positionner au moment de la crise. D’expérience, les règles administratives complexes de chacune de ces organisations et la difficulté de les approcher constituent à la fois un handicap et un avantage : un handicap puisque cela nécessite pour l’entreprise un gros effort de temps et d’énergie préalable (et donc un investissement financier sans certitude de retour) mais aussi un avantage puisqu’une fois référencées sur certains services et certaines zones, les entreprises font partie d’un vivier d’entreprises de confiance qui a naturellement vocation à être sollicité.

- Phase 4 (développement et prévention du risque)

Comme l’a rappelé le Premier ministre de la Dominique lors de la réunion des « donateurs » qu’il a organisée en novembre dernier, le cyclone Erika n’appelle pas seulement un processus de reconstruction mais doit également viser la résilience consistant à :

1 – prévoir des équipements de nature à résister aux catastrophes ultérieures que le dérèglement climatique risque de rendre de plus en plus fréquentes ;

2 – réfléchir au développement d’infrastructures (routes, canalisations, unités de production agricoles ou industrielles) de nature à servir le développement durable du pays et donc sa capacité à mieux faire face aux crises.

Dans ce registre, aucun secteur et donc aucune entreprise n’échappe aux possibilités d’échange et/ou d’investissement. La question de l’éligibilité repose donc là encore sur les réseaux préalablement établis avec les bailleurs, mais surtout sur la force de la relation avec les réseaux locaux.

On le comprend, les entreprises qui sont déjà sur le terrain/sur le marché avant la crise ont, dans ce contexte, une bien meilleure chance. On retrouve là la problématique plus globale de la présence commerciale et des investissements des entreprises antillaises dans la Caraïbe qui doit être plus importante pour ouvrir plus de perspectives, on verra plus loin quelles en sont les possibilités. (Il faut provoquer une spirale vertueuse).

En réalité, les graves crises humanitaires ne permettent pas, au moment où elles se produisent, un positionnement des entreprises. Les offres et les contrats doivent être discutés, en amont (hors période de crise) ou en aval (dans la phase de reconstruction).

Construire une relation de longue haleine avec les institutions qui répondent aux catastrophes naturelles est d’autant plus crucial qu’en période d’urgence elles ne peuvent guère être approchées. Cette relation de confiance qu’il convient de construire ne dispense pas d’une relation suivie avec les autorités du pays récipiendaire qui n’est naturellement pas seulement le « destinataire de l’aide » mais qui est aussi l’autorité politique décisionnelle. On retrouve là une logique qui dépasse le cadre de la réponse aux catastrophes naturelles soit celle de la dualité des donneurs d’ordre : le financier et le bénéficiaire in fine.

Mais comment se présentent es perspectives d’implantation d’entreprises françaises, en particulier de celles originaires des DOM ?

II/ Opportunités de marchés pour les entreprises françaises des régions ultramarines d’Amérique

1/ elles disposent de plusieurs atouts

-  Les marchés sont encore ouverts, en rasions de nombreux projets en perspectives dans différents domaines, et en particulier ceux liés au tourisme et à ses dérivés, BTP, services, etc.

-  Le tourisme lui-même ne cesse de se développer dans les Antilles, destination de plus e plus prisée, pas seulement pour une attirance supplémentaire, mais aussi par défaut, en raison du rejet actuel, par les touristes, du moyen Orient et de l’Afrique du nord, et aussi un peu de l’Europe, consécutivement aux attentats terroristes lesquels, pour l’instant, ont épargné l’Amérique du sud et les Caraïbes

-  Les marchés sont ouverts : des projets sont à réaliser

-  Une bonne image de la France, liée aux liens historiques tissés avec les pays voisins de la Martinique et de la Guadeloupe,

-  une bonne réputation de nos entreprises et de leur savoir-faire dans les domaines correspondant aux besoins actuels des îles du croissant antillais, je dirai même leur valeur ajoutée par rapport à d’autres pays : tourisme, BTP, agroalimentaire, haute technologie, environnement,…

-  la situation politique de la plupart de pays est relativement stable

-  la main d’œuvre locale est d’un coût très contenu

-  Une monnaie unique, rattachée au dollar et au cours inférieur à l’euro, constitue un réel atout et garantit une sécurité financière indéniable aux investisseurs

-  Un contexte humain propice à la coopération et donc à l’accueil d’entreprises françaises de nos territoires : confraternité en « îles sœurs »

-  Enfin, l’adhésion de la CTM à l’OECO, en tant que membre associé, constitue un plus important pour nourrir ces échanges et faciliter les implantations d’entreprises françaises.

Malheureusement, certaines difficultés viennent assombrir ce paysage.

2/ Des faiblesses qui nuisent à l’essor des entreprises françaises à l’international Caribéen

-  La concurrence de l’Amérique du nord, du canada et de certains pays d’Amérique du sud est très prégnante : ils obtiennent la majorité des marchés et sont omniprésents dans des secteurs essentiels comme celui de l’alimentaire

-  La maîtrise de la langue anglaise est indispensable pour percer dans l’arc antillais anglophones, face à la quasi absence de décideurs maîtrisant notre langue

-  La bureaucratie, la lenteur des administrations locales, la complexité des démarches, la rareté des fonctionnaires aptes à prendre des décisions et à agir à un niveau intermédiaire (monter au niveau des directeurs de cabinets voire des ministres est souvent indispensable) ne sont pas propice aux affaires ; a titre d’exemple : législation du travail, contrôles en tous genres (vétérinaires,…), taxations diverses…

-  Difficultés non négligeables à craindre en cas de contentieux (appareil judiciaire défaillant et peu fiable)

-  Fiabilité très relative des interlocuteurs quant aux « promesses » données…

-  Enfin et peut –être surtout : très mauvaise connectique en matière de transports tant aériens que maritimes : fréquences insuffisantes et peu fonctionnelles (pas d’aller/retour dans la journée pour la Martinique entre Fort de France et sainte Lucie ou la Dominique, à moins d’une demie heure de vol, par exemple, idem pour les liaisons maritimes de surcroit concurrentes t mal coordonnées, prix prohibitif des billets d’avions, absence de fiabilités de la LIAT, fret marchandises balbutiant voire inexistant ou soumis à des contraintes importantes en matière douanière, etc. Plus facile et à peine plus onéreux d’aller à Miami !

En conséquence, les échanges entre nos territoires ultramarins d’Amérique éprouvent des difficultés certaines à se développer.

Comment agir pour améliorer la situation ?

De plusieurs manières, de mon point de vue :

-  En saisissant l’opportunité que revêt l’adhésion de la Martinique et bientôt de la Guadeloupe à l’OECO en tant que membre associée pour faire en sorte de faciliter les déblocages. Un travail a déjà été entrepris en ce sens par la chargée de mission de la CTM représentant sa collectivité à l’OECO, travail qui commence à dégager quelques lueurs d’espoirs (problématique des 10 produits tests)

-  Transports :

o Faire sauter le quasi-monopole de la LIAT sur presque toutes les destinations et ouvrir l’espace aérien aux compagnies françaises air Caraïbes et Air Antilles bien davantage qu’aujourd’hui, facteur de concurrence, d’émulation, de réduction des coûts, et d’amélioration du service en général. Utile tant pour les passagers que pour le fret de marchandises.

o Envisager une prolongation de ligne d’Air Caraïbes ou d’Air France ou les deux depuis la métropole jusqu’à certains pays voisins, marchés potentiels et au tourisme exponentiel, tant pour la fonction passagers que pour la fonction fret

-  Fiscalité, justice, services publics en général : envisager un appui de la France en matière de gouvernance, en particulier à Sainte Lucie

Conclusion : des opportunités à saisir pour des marchés français, en s’efforçant d’améliorer la qualité actuelles des échanges. Obstacles pouvant être surmontés par une coopération offerte tant par les services de l’Etat que par les régions.

Interview entre l’Ambassadeur et Inter Entreprise :

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Pour en savoir plus : www.interentreprises.com

Dernière modification : 11/05/2016

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